Le passage de l’objet concret à la notion abstraite de nombre est assez complexe en ce qui concerne les fractions. Une approche précoce, dès la maternelle, en facilite la familiarisation en associant le geste, la parole et l’écriture.
Pour les entiers, l’enfant manipule des objets de formes simples et faciles à schématiser : des bûchettes, des jetons, des billes, ou les boules d’un boulier. Il peut ensuite facilement les représenter en dessinant des tirets (pour les bûchettes) ou des petits ronds (jetons, billes, boules …). L’unité comptée sera ainsi représentée par un rond ou par un segment. Pour les fractions, l’image la plus courante sera celle du disque partagé en secteurs : on prend alors comme objet concret, la tarte, le gâteau coupé en parts, ou, tradition française oblige : le camembert.
Le matériel Montessori offre à la manipulation des portions de disque en bois ou en plastique qui peuvent servir de supports à de nombreuses manipulations pour les petits. Les fractions les mieux repérables : demis et quarts sont facilement identifiables et permettent d’effectuer des opérations simples à oraliser : « un demi disque et un demi disque, ça fait un disque entier » « un quart et un quart, ça fait un demi » … opérations qui peuvent permettre de résoudre des problèmes élémentaires concrets : « Combien aurais-je de quarts de tarte avec deux tartes ? ». Petit à petit, on pourra même apprendre l’écriture de ces opérations et étendre la familiarisation lexicale aux tiers, aux cinquièmes et aux sixièmes. Mais il faut prendre le temps de la progressivité vers l’abstraction : un quart s’écrira ¼, deux quarts, ¼ × 2, puis 2 /4 ; six demis s’écriront ½ ×6 ; puis 6/2 et l’on observera enfin que 6/2 = 3.
Pour changer des tartes et des gâteaux, on pourra ensuite s’orienter vers les représentations cycliques du temps :
Les quatre saisons offrent des représentations des fractions de l’année dont le lexique s’enrichira au fil de l’exploration du domaine temporel : les douzièmes avec les mois, les quarts avec les trimestres, les demis avec les semestres.
Un calendrier « perpétuel » des douze mois de l’année et un autre des sept jours de la semaine serviront de support à ces représentations de diverses fractions du disque :
Mais, au quotidien, ce sera le cadran de la pendule qui permettra la meilleure familiarisation avec demies, quarts et douzièmes d’heure :
Extrait du manuel Compter-Calculer CE1
Cependant, ces représentations de fractions comme « parts » d’une unité, représentée par un disque, ne peuvent faire l’économie d’une représentation linéaire permettant, elle, de situer le nombre-fraction sur un axe. Il faut donc revenir sur des manipulations de « bûchettes » et à cet égard les réglettes Cuisenaire offrent des possibilités intéressantes à exploiter.
Ces réglettes, matérialisant les entiers de 1 à 10, chacune de couleur différente, permettent de visualiser les rapports arithmétiques entre ces nombres, sans se limiter à l’addition et à la soustraction. Selon le principe du calcul intuitif tel qu’il est énoncé par Ferdinand Buisson, l’enfant, par la manipulation, doit aborder les rapports entre ces premiers nombres en comparant ces réglettes entre elles. On ne se contentera pas d’ajouter 1 à chaque nombre pour trouver le suivant, mais on cherchera aussi combien de réglettes d’une même couleur équivalent à une seule réglette. Les multiplications suivantes pourront être « démontrées » :
- 2 x 2 = 4 ; 2 x 3 = 6 ; 2 x 4 = 8 ; 2 x 5 =10 ;
- 3 x 2 = 6 ; 3 x 3 = 9 ;
- 4 x 2 = 8 ; 5 x 2 = 10
Ces manipulations seront l’occasion d’introduire le vocabulaire mathématique associé :
- 4 est le double de 2 ; 6 est le triple de 2, 8 est le quadruple de 2, 10 est le quintuple de 2 mais aussi
- 2 est la moitié de 4 ; 2 est le tiers de 6 ; 2 est le quart de 8 ; 2 est le cinquième de 10.
- Et encore : 6 est le double de 3 donc 3 est la moitié de 6 ; 9 est le triple de 3 donc 3 est le tiers de 9
- 8 est le double de 4 donc 4 est la moitié de 2 ; 10 est le double de 5 donc 5 est la moitié de 10.
En fonction de la maturité des élèves on pourra éventuellement leur proposer l’écriture des divisions et des fractions :1/2 ; 1/3 ; 1 /4 ; 1/5. Cet exercice répété et complexifié au fil des cours élémentaires et moyen peut aboutir à une réelle dextérité dans les opérations sur les fractions, telle que celle déployée par l’« as des réglettes » du pédagogue Suisse.
Ces réglettes permettent également d’aborder la notion d’unités du système métrique et de construire le système décimal : la réglette blanche représentant la mesure d’un centimètre, l’orange avec ses 10 cm sera appelée décimètre. La comparaison avec les outils de mesure utilisés en classe introduira le vocabulaire de double-décimètre et de triple-décimètre, de dixième de mètre et de centième de mètre.
Les graduations en millimètres permettront plus tard d’aborder la notion de millième et la lecture des mesures sera un champ d’application ainsi que le tracé de segments dont la longueur est donnée.
Pour en revenir aux réglettes Cuisenaire, c’est l’apprentissage des nombres de la deuxième dizaine qui offrira le plus d’exercices formateur, en particulier quand on abordera les nombres 12, 14, 15, 16 et 18. Les réglettes permettront pour chacun de ces nombres d’en trouver les diviseurs en demandant, par exemple, de trouver quelles réglettes d’une même couleur permettent, mises bout à bout, d’obtenir la longueur d’un segment tracé sur une feuille (de 12, 14, 15, 16 et 18 cm bien sûr). On pourra, à l’occasion remarquer qu’il existe des nombres qu’on appellera « premiers ». L’usage des désignations des nombres par une fraction peut alors vraiment être systématisé :
3, c’est 6/2 ; 9/3, 12/4 ; 15/5 ; 18/6 … et ce sans dépasser la numération au-delà de vingt.
Ces manipulations contribuent à une connaissance « intime » du nombre mis en relation, non seulement avec les quatre opérations, mais aussi avec l’écriture fractionnaire.