Déterminant ?

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Booder ne vous aura peut être pas convaincus avec sa définition du déterminant, mais au moins vous aura-t-il amenés à remettre en cause la légitimité de son emploi dans la grammaire scolaire. L’emploi du terme « prédicat » a été de courte durée, mais celui de « déterminant », lui, a fini par s’imposer après 55 ans de controverses. Nous n’avons pourtant jamais cessé de contester sa validité et la contestons encore.

Cécile Revéret nous explique pourquoi dans son Précis d’Analyse Grammaticale publié chez GRIP – Editions

La querelle des déterminants

On observera que le terme déterminant n’a pas été retenu dans notre liste des natures de mots. Ce terme est pourtant devenu officiel dans la nomenclature de 1975. Mais il a soulevé de nombreuses controverses.

– Rappel : depuis 1975 la classe des déterminants contient les articles et les adjectifs possessifs, les adjectifs démonstratifs, les adjectifs indéfinis, les adjectifs numéraux cardinaux, les adjectifs interrogatifs, les adjectifs exclamatifs, les adjectifs relatifs.

     Jusqu’en 1975, les articles formaient une classe à eux seuls. Les adjectifs démonstratifs, possessifs, indéfinis etc. entraient dans la classe des adjectifs. Le terme classe n’était d’ailleurs pas utilisé ; on parlait de la NATURE d’un mot.

Où faut-il « ranger » les adjectifs possessifs, les adjectifs démonstratifs, les adjectifs indéfinis etc. ? Ce sont bien des adjectifs puisqu’ils s’ajoutent aux noms et en adoptent le genre et le nombre au même titre que les adjectifs qualificatifs.

Ce qui distingue ceux-là de ceux-ci, c’est que les premiers forment une classe fermée, alors que les autres ( les adjectifs qualificatifs) forment une classe ouverte.1

Ils se distinguent aussi des adjectifs qualificatifs par leur place dans l’axe syntagmatique : l’adjectif qualificatif se place entre l’article et le nom (ou après le nom), les adjectifs possessifs, démonstratifs etc. occupent la même place que l’article (mais pas toujours cf.infra). La grammaire distributionnelle, selon laquelle le premier critère d’analyse syntaxique est la distribution des mots dans la chaîne parlée (l’axe syntagmatique), a saisi cette particularité pour mettre dans une même catégorie ces adjectifs (démonstratifs, possessifs etc.) et l’article, catégorie qu’on a appelée classe des déterminants 2(cf. Nomenclature de 1975).

De nombreux enseignants – dont nous sommes – se sont élevés contre cette simplification car elle a posé plus de problèmes qu’elle n’en a résolu : elle a été pour les élèves la source de lacunes et de confusions. Le choix du terme déterminant leur  paraît tout d’abord peu approprié : aucun manuel ne donne la même définition du terme déterminer, assurément vague et équivoque. Par ailleurs, comment les élèves peuvent-ils comprendre qu’un article  indéfini puisse déterminer quoi que ce soit ?

Autre conséquence fâcheuse : on a pu constater que les élèves ignoraient la nature de chacun de ces déterminants. Ils ne savent plus ce qu’est un article. N’utilisant pas les termes adjectifs démonstratifs, possessifs etc., ils ne savent pas les reconnaître. Ils seront encore plus perdus quand on abordera les pronoms démonstratifs, les pronoms possessifs etc. Quant aux professeurs de langues étrangères, ils se plaignent régulièrement de devoir enseigner ex nihilo toutes ces distinctions à leurs élèves.

On a cru simplifier en créant cette classe unique des déterminants, qui englobe donc les articles d’une part et les adjectifs possessifs, les adjectifs démonstratifs, les adjectifs indéfinis, les adjectifs numéraux cardinaux, les adjectifs interrogatifs, les adjectifs exclamatifs, les adjectifs relatifs d’autre part. (Pour simplifier l’exposé, nous appellerons adjectifs déterminatifs tous ces adjectifs). L’argument essentiel était que les adjectifs déterminatifs pouvaient commuter avec l’article, ce que ne peut pas faire l’adjectif qualificatif. En outre, nous dit-on, les adjectifs déterminatifs se reconnaissent au fait qu’ils ne peuvent être ni déplacés ni supprimés.       

               Ex.  le petit chien

Ø  mon petit chien

Ø  ce petit chien

Ø  trois petits chiens

Ø  quel petit chien ?

mon, ce, trois, quel, peuvent remplacer l’article le mais ne peuvent pas remplacer petit. Et on ne peut ni les déplacer ni les supprimer. Certes ! Mais que faire des adjectifs numéraux ordinaux, de la plupart des adjectifs indéfinis et même, dans certains cas, des adjectifs numéraux cardinaux ?

              exemples :

            Le troisième rang est le plus confortable.

           Ces quelques fleurs égaieront la chambre.

           Je me suis rappelé une certaine histoire bien gênante.

           Les deux places que j’ai réservées nous attendront à la caisse.

Dans tous ces derniers exemples, ces adjectifs déterminatifs, d’un point de vue syntaxique, se comportent davantage comme des adjectifs qualificatifs que comme des articles ! Comme tout cela n’est en réalité pas simple du tout, les élèves doivent apprendre des listes d’exceptions à ce prétendu statut commun entre article et adjectif déterminatif …

Sachons enfin que le terme déterminant subit à son tour une désaffection. Le mot est réputé mal choisi par ceux-là mêmes qui le défendaient : il s’agit de le remplacer par « actualisateur »…

 

1 On appelle classe fermée une classe de mots qui forment un « stock » limité et dont le nombre est précis. On appelle classe ouverte une classe qui regroupe des mots que l’on ne saurait compter : ils sont « innombrables » et accueillent constamment des mots nouveaux. On introduit par exemple des NOMS nouveaux  mais on ne crée pas de nouvelles conjonctions.

Les  classes des noms, des verbes, des adverbes, des adjectifs qualificatifs et des interjections sont des classes ouvertes. Les autres : articles, conjonctions, pronoms, prépositions sont des classes fermées … ainsi que les adjectifs démonstratifs, possessifs, etc. … ceux qui posent problème !

2 Le terme déterminant apparaît dès 1880.