Langue morte ?

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À l’heure où l’enseignement du « Lire-Ecrire-Compter-Calculer » est mis à mal, est-il raisonnable de s’intéresser à une langue considérée comme morte ? Nicolas Lakshmanan, secrétaire du GRIP, nous apporte un début de réponse :

Faut-il enseigner le latin ? C’est une vraie question ; mais il nous semble qu’on ne peut pas la débrouiller si l’on n’a pas précisé ce que signifie « enseigner le latin ». Si, en effet, « enseigner le latin », c’était avoir le choix entre, d’un côté, enseignement essentiellement difficile et sélectif et, de l’autre, une accumulation d’activités plus ou moins amusantes, notre question ne serait en réalité qu’un prétexte à polémiques stériles sur « l’apprentissage de la rigueur », « l’élitisme », « la modernité et la nostalgie », entre des adversaires qui tiennent leur identité de leur position sur le champ de bataille.

C’est pourquoi nous nous sommes d’abord demandé ce que c’était que savoir le latin, puis comment on peut l’apprendre et l’enseigner. Nous avons donc construit des programmes cohérents, puis composé un manuel d’initiation au latin, premier d’une série qui doit mener à la maîtrise de la langue de la littérature latine. L’expérience tend à déjà à nous montrer que son projet n’est pas absurde.

L’apprenti-latiniste y est conduit peu à peu vers la connaissance de la phonétique et du vocabulaire, de la morphologie et de la syntaxe, autrement dit de la grammaire. Cette grammaire — qui était, pour les anciens, tout simplement l’art d’apprendre à lire et à écrire — comme elle aide vraiment à apprendre, est une source de plaisir.

L’apprentissage du vocabulaire y est mené de façon méthodique et intuitive : c’est par la fréquentation active des mots latins qu’on est amené à les connaître progressivement. Cette fréquentation se fait par les exercices de traduction — thème et version — et de composition de phrases, indispensables à un enseignement efficace de la langue. Elle se fait à travers la lecture de véritables textes latins, que sont, pour commencer, les locutions latines ; elle se fait dans la lecture et la traduction, que ce soit sous forme de version ou de rétroversion, d’extraits à peine retouchés, voire intacts, de *L’Énéide*.

L’acquisition du sens des cas s’appuie d’autre part sur la pédagogie éprouvée, mais oubliée, des « exemples-types ». On retient la règle à travers l’exemple-type, et on l’applique à travers l’exemple-type. Ainsi, les élèves qui connaissent ces exemples-types n’oublient pas le sens des cas.

L’apprentissage de la morphologie, tant verbale que nominale, on le constatera, se fait tout naturellement, par l’usage, même si les tableaux structurés sont donnés dès l’abord : ils ne sont pas appris comme une liste de formes creuses et sans signification : l’apprentissage de la forme est toujours concomitant de celui de la syntaxe. Les morphèmes grammaticaux sont en effet tout autant porteurs de sens que les «lexèmes», les mots : apprendre les uns comme les autres se fait d’une façon tout à fait similaire. Nous proposons aussi d’adopter une prononciation restituée, tenant compte de la longueur des voyelles et de l’accent tonique ; ce n’est pas l’usage le plus courant à l’heure actuelle en France. Cependant, ces rudiments de phonétique seront un atout pour mieux comprendre le rapport entre le français et le latin, pour apprendre la phonétique des langues vivantes.