Reconstruire l’école : le mode d’emploi de Natacha Polony

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FIGAROVOX/EXTRAITS – Derrière la réforme du collège se cache une réforme bien plus inquiétante : celle des programmes.

Natacha Polony est chroniqueuse au Figaro. Son dernier livre, «Ce Pays qu’on Abat», est paru en 2014 aux éditions Plon.

Est-ce que les livres d’histoire – s’ils existent encore quand les «émoticônes» auront remplacé la langue écrite et ses fastidieuses subtilités – retiendront comme un exemple de suicide collectif et de trahison des peuples la destruction, en une génération, de l’école de la République? Dans leur effort pour comprendre comment une Nation a pu se tirer avec une telle ferveur une balle dans le pied, sans doute se pencheront-ils sur les débats idéologiques opposant les défenseurs de la méritocratie républicaine et les adeptes d’un nivellement rebaptisé égalité. Mais il leur manquera une dimension essentielle, sans laquelle ils ne comprendront pas pourquoi les citoyens ont assisté à l’effondrement du niveau scolaire, tandis qu’en tant que parents ils trouvaient les enseignants de leurs enfants formidables, pourquoi les politiques ont pu adhérer à toutes les modes aberrantes tout en réclamant solennellement le retour de «l’autorité» à l’école.

Il en va de l’enseignement comme de tout métier artisanal (car c’est bien un artisanat!): détruisez les gestes, les savoir-faire, cette façon imperceptible de modeler le matériau que le profane ne remarque pas, et vous laissez un champ de ruines. Le diable se niche dans les détails, et, malheureusement, un enseignant dévoué, attentif, de bonne volonté, faisant régner le calme dans sa classe, même s’il semble une bénédiction aux parents, ne suffit pas. C’est la raison pour laquelle, derrière la réforme du collège et sa vision consternante d’une école-garderie, se cache une réforme bien plus essentielle, celle des programmes, notamment du primaire.

Parents, vous voulez savoir très concrètement pourquoi des gamins intelligents sortent de la scolarité obligatoire sans aucune rigueur ni aucune capacité à emmagasiner les connaissances? Prenez un manuel de mathématiques de CP ou de CE1 au hasard et comparez-le avec ceux édités par le Grip (groupe de recherche interdisciplinaire sur les programmes, slecc.fr/GRIP.html). Vous découvrirez tout à coup qu’un manuel scolaire peut être lisible, avec une leçon claire à faire répéter à l’enfant ; vous comprendrez que, dans un problème présentant trois meubles avec cinq tiroirs chacun, si l’on demande à l’enfant combien il y a de tiroirs, il n’est pas indifférent pour sa compréhension des mathématiques de lui faire écrire « 5 tiroirs multiplié par 3 » plutôt que « 3 × 5 » ; vous saurez surtout que l’on peut (que l’on devrait) enseigner les quatre opérations fondamentales dès le CP, comme cela se faisait jusque dans les années 1960.

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